Je pense être bien placée pour parler de l’échec, j’ai échoué toute ma vie. Mis à part le fracassant échec de mon mariage que vous connaissez déjà, ma vie ne semble peut-être pas si mal de là où vous vous tenez. Mais les échecs étaient bien là : subtils et insidieux. Les partiels passés avec une mention « kollo » (i.e : 10/20), les stages bâclés, le goût d’inachevé laissé par toutes ces choses que j’aurais pu mieux faire, m’ont appris comment une vie peut s’écouler médiocrement jusqu’à ce que la bourde de trop nous réveille brutalement. Dans le milieu très exalté du coaching et du développement personnel, l’échec est célébré ! « N’ayez pas peur de tomber » c’est bien joli… sauf quand on a des factures à payer et que le bailleur ne se trompe jamais d’adresse pour venir réclamer son loyer ou qu’en cas d’impayés les agents d’Eneo ne manquent jamais de venir sceller le compteur d’électricité même si un délestage est en cours ! Dans le milieu professionnel les conséquences de l’échec ne se font jamais attendre. L’incidence est direct sur le porte-monnaie et sur la suite de votre carrière. « N’ayez pas peur de tomber ! » Oui mais… et si on voyait les choses autrement ? Et si on évitait simplement l’échec quand on le peut encore ? Si le chemin avait été balisé pour vous, pour vous permettre d’apprendre des erreurs des autres et d’esquiver les écueils de l’immaturité, préféreriez vous échouer, juste pour le plaisir de vous casser la gueule ? Eh bien, sachez qu’une telle formule existe et depuis plus longtemps que vous-même. Dans son livre intitulé « Atteindre l’excellence », Robert Greene l’explique : « la vie est courte […] Vous pouvez certes accomplir votre apprentissage grâce à des livres, à votre expérience personnelle et à des conseils glanés au hasard, mais ce processus est empirique, et vous ne trouverez pas, dans les livres, d’informations adaptées à votre situation et à votre cas particulier. » Il s’agit donc de trouver un mentor, une personne qui vous tienne la main et qui accompagne votre cheminement dans le milieu professionnel. Ceci introduit l’idée non moins importante du rôle d’autrui dans notre réussite… et aussi dans notre échec.
Trouver son mentor et naviguer à travers un milieu professionnel parfois passif et souvent hostile sont deux tâches qui requièrent ce que l’on appelle de l’intelligence émotionnelle. Ce concept est né des observations des psychologues Peter Salovey et Jonh Mayer qui ont même définit une échelle pour la calculer : le Quotient Emotionnel (QE). Le QE se différencie du QI (Quotient Intellectuel) en ceci qu’il mesure la capacité d’une personne à percevoir, à comprendre et à gérer ses émotions, ainsi que celles des autres, de façon à entretenir des rapports productifs avec son entourage. Cette notion laisse donc supposer que les connaissances et les compétences seules ne déterminent pas la réussite. Obtenir la reconnaissance des autres et leur participation active à notre réussite nécessite aussi d’entretenir avec eux de bons rapports. Malheureusement il n’est pas rare que les plus grands génies aient un QI très élevé en même temps qu’un QE très bas, et que ceci les conduise tout droit vers… L’échec !
Avant d’être le génie reconnu et adulé qu’il a été avant sa mort, en 1985, Steve Jobs était renvoyé d’Apple, la compagnie qu’il avait lui-même créée. Pour le remplacer, le conseil d’administration d’Apple décide alors de nommer John Sculley, un de ses collaborateur et ami. Interrogé à ce sujet lors d’une conférence en 2013, longtemps après les faits, John explique que l’entreprise traversait alors des difficultés après le flop commercial de la seconde génération de Mac, le Macintosh Office. Au cours d’une discussion avec Steve, ce dernier l’invite à le laisser discuter avec le conseil d’administration pour trouver une solution à cette impasse, à quoi Steve répond : « Tu n’en es pas capable ! » Cependant le conseil d’administration donne raison à John et licencie Steve sur le champ. Steve Jobs a toujours affirmé que ce licenciement avait été la meilleure chose qui lui soit arrivé en lui permettant de libérer sa créativité. L’histoire lui a donné raison. Mais un autre pan de la réalité est que, comme l’explique John Sculley : « Il n’était pas un bon dirigeant à cette époque ! » Son licenciement était principalement dû à son incapacité à communiquer sa vision pour Apple avec ses actionnaires. L’entreprise étaient noyée par des guerres intestines entre les dirigeants et son image publique en souffrait. Chose que Steve Jobs a corrigé quelques années plus tard lorsqu’il reprend la tête de l’entreprise en 1997 et lance tour à tour l’IPod, l’IPhone et l’IPad. L’échec de Steve Jobs à la tête d’Apple, aussi révélateur qu’il fut pour lui aurait pu être évité s’il avait compris que la réussite tient aussi à la collaboration des autres. Aucun accomplissement majeur ne s’opère par un seul individu. Les grandes figures historiques que nous adulons doivent souvent leur réussite aux efforts conjoints de plusieurs personnes dans leur entourage et à l’accompagnement d’un mentor qu’ils finissent par dépasser.
Croyez bien que cette information ne réjouit pas du tout la grande introvertie que je suis. A l’école j’ai toujours eu horreur des travaux de groupes. Et dans le milieu du travail je goûte peu cette dynamique faite d’hypocrisie, de semblants et de jeux de pouvoirs. Mais la réussite professionnelle passe par cet apprentissage : on n’a pas besoin d’aimer les autres pour réussir mais on a besoin de collaborer avec eux quand même! Je crois sincèrement qu’échouer dans le domaine sentimental a changé ma vie à bien des égards. Mais une réussite fulgurante et exponentielle dans le milieu professionnel ne serait pas de refus ! Quelques coups bas par ci par là pour avoir des anecdotes à raconter pendant l’apéro… d’accord ! Mais je veux bien m’épargner le stress du chômage ! Le monde peut donc enseigner la terrible leçon de l’humilité à quelqu’un d’autre ! J’ai fait le choix de réussir brillamment. Alors mon Quotient Emotionnel ? J’y travaille !